mercredi 13 juin 2012

GAGNER SA VIE AVEC SA PLUME


Chanter, il en restera quelque chose. Les écrivains qui aujourd’hui veulent gagner leur vie en utilisant leur plume, ne sont pas nombreux. 60 000 livres publiés en France dont 35 000 nouveautés, il ne reste la place que pour le star-système. Pour gagner sa vie il faut 30 000 exemplaires vendus, pour beaucoup la moyenne est de 400..
Doit-on pour autant baisser les bras ? Je ne pense pas. Il faut justement renforcer la créativité mais surtout les moyens de diffusion de l’expression. Souvent l’écriture est pour l’auteur un moyen de se protéger de l’extérieur. On a besoin d’extravertis pour faire passer l’envie aux autres de partager l’émotion des lignes.
Les stars du livre sont des moteurs pour ceux qui ne le sont pas encore. Souvent dans le domaine de la culture, on fabrique des outils pour susciter la création mais jamais pour la diffuser ou la faire partager. Le problème est aussi là. Il ne s’agit pas d’offrir des moyens pour enregistrer une nouvelle chanson mais bien de permettre qu’elle soit entendue et diffusée. C’est la vraie question de l’édition.
Ne nous jetons pas non plus sur la facilité qu’offre des supports nouveaux comme le numérique qui mérite organisation mais bien de savoir comment le référencement existe, la place dans la librairie est possible. Ne rêvons pas sur des chiffres qui laissent perplexes comme les Mémoires de Tony Blair qui vient de toucher un à-valoir de 5,6 millions d’euros (reversés à une ONG), le dernier livre « Une vie » de Simone Veil avec 400 000 exemplaires vendus ou Jacques Chirac avec 250 000 pour « Mémoires ».
Alors comme l’écrit Jean d’Ormesson à l’attention des jeunes écrivains: « Je leur recommande de prendre un métier qui leur permette de vivre sans absorber leur énergie et leur esprit….J’ai commencé à être un écrivain du soir et du dimanche... »
Dans toute chose, c’est le travail qui compte et l’envie de gagner, le reste n’est qu’excuse…
facile à dire, certes !
JYC.

L'IMPERTURBABLE RÊVE


On a beaucoup parlé de « rêve » dans ces dernières semaines. On a utilisé ce mot comme défouloir des vérités communicantes, en utilisant cette notion avec approximation. Qui sait ! les propos tenus étaient peut-être pleins de ce fondement qui construit cet état second qui nous permet les plus grandes ou les plus petites destinées.
Chacun connaît, se souvient ou non d’un rêve. On le véhicule à souhait quand l’existence devient violence, tristesse, angoisse voire avenir incertain. Mise en relation avec l’impossible, le rêve est une source invariable et constante de l’imaginaire. Il est souvent la transpiration obligatoire de notre être le plus profond. Il rejoint l’inaccessible ou plafonne dans la prise des bonnes décisions, des solutions à des situations problématiques. Il constitue le théâtre intime où la comédie, la tragédie se transforme en vécu avec notre état d’être.
L’expérience du rêve est universelle, mais la signification ne peut être communiquée et traverser l’objectivité, sauf à s’autodétruire.
Il peut être source d’une création forte. Inspire-t’-il l’écrivain, le peintre, le sportif ? A t’il un impact sur le « à vivre » demain ? Constitue t'il le remède ou la source constante du rendez-vous que l’on refuse avec le pire ou le meilleur ?
Verlaine dans « Mon rêve familier » (Poèmes saturniens)
« Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon cœur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? je l'ignore.
Son nom? je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues. »

Il faut laisser à chacun la part de rêve qui lui revient en ayant lu ce merveilleux poème.
Nombre sont les génies et les auteurs célèbres du passé, qui relatèrent dans leurs souvenirs ou leurs mémoires des exemples où des rêves ont apporté durant leur sommeil la solution d'un problème qui les tracassait. De grands artistes, d'éminents savants, des sportifs de haut niveau, ont ainsi apporté un témoignage précieux illustrant le rôle joué par les rêves dans le processus d'invention et de création.
« Le rêve est une manifestation psychique fugitive de l'inconscient survenant durant notre sommeil et dont nous gardons partiellement le souvenir au réveil. »(Pierre Genève: La Science des Rêves, Euredif 1972)
Souvenons-nous de ce fameux troisième rêve, fait le 10 novembre 1619 que raconta Descartes  (à la troisième personne) :
«Ce qu'il y a de singulier à remarquer, c'est que doutant si ce qu'il venait de voir était songe ou vision, non seulement il décida en dormant que c'était un songe, mais il en fit encore l'interprétation avant que le sommeil le quittât.»
De ce rêve résulta le fameux, "Je pense, donc je suis" qui aurait pu être avantageusement remplacé par "Je rêve donc je crée"."

Pour le psychanalyste, le rêve, qui échappe au contrôle du moi, fait communiquer inconscient et conscient. Ses contenus, malgré leur non-sens apparent, sont signifiants. Le rêve s'effectue pendant le sommeil paradoxal (tonus arrêté, activité neurologique intense). On se décharge de ses désirs coupables et irréalisables. Il y a un scénario figurant un drame, une action. Le rêveur croit à la réalité du rêve, et ne peut le soumettre à la critique. Le rêve échappe à la volonté et à la responsabilité du rêveur. Il s'y traduit l'excitation sensorielle et la préoccupation du rêveur. Les images sensorielles sont assez pauvres en couleur, en définition ou en précision. Ce qui donne l'impression de richesse est son vécu, fort en densité.
Le rêve a-t-il comme compagne l’insomnie ?
« L’insomnie creuse l’intelligence », écrivait Duras. Calvaire pour les uns, l’insomnie semble être, pour d’autres, une aire salutaire de liberté et de création (Gide, Kafka, Nerval, Prévert, Barbara, etc.). Les spécialistes du sommeil nient toutefois qu’il puisse exister des insomniaques heureux. « Chez les artistes, le désir de créer les propulse volontairement dans un état d’hyperexcitation qui les tient en éveil », explique Agnès Brion, psychiatre au Centre du sommeil à la Pitié-Salpêtrière. Mais la véritable insomnie, elle, fait toujours souffrir. Quant à l’équation « création = nuits sans sommeil », rappelons qu’Einstein dormait onze heures par nuit.

À côté du scientifique, l’auteur invente le personnage à mesure qu’il l’écrit, contrairement à l’acteur qui – sauf dans le cadre de l’improvisation – travaille sur un texte préexistant . Ce n’est pas à un, mais à plusieurs personnages qu’il est amené à s’identifier, certains pouvant avoir des points de vue diamétralement opposés. «  Je dirai que le degré de schizophrénie que cela lui impose est encore plus grand ». (François Berthelot)

Le rêve est plein de mystères. Il est séduisant, charismatique. Il est créatif. Je pense profondément qu’il est source de dépassement dans le bon comme dans le mauvais. Il donne la force ou l’anéantit. Il est un mot d’une puissance rare. Il possède en lui-même sa négation. Ami et ennemi, il fusionne les fondations de l’écrit. C’est un débat qui, je crois, ne connaîtra jamais de fin, sauf un jour où l’homme aura disparu de l’Ordre universel.

Jean-Yves Couteau

LA CRISE...ECONOMIE AUSSI D' IDEES !


LA CRISE …. ECONOMIE AUSSI D’IDÉES !
En dehors du miracle numérique, , aucun salut dans les projets politiques qui commencent à se développer. Miracle, parce qu’en transportant une tablette, on transporte la bibliothèque du monde, l’encyclopédie moins lourde, la culture « au raz du neurone » !!!
Les réflexions présidentielles donnent à la culture, la situation d’une  « excuse » qui se limite à l’affirmation de sa nécessité, de son développement.
Le livre, lui, connaît une absence insolente. La principale préoccupation, droite et gauche, est le soutien à l’audiovisuel, avec une notion de rentabilité sous-jacente un peu forte.
Le livre ne rapporte plus de voix. La télé-réalité, l’info en continu, le vidéo-clip sont des axes majeurs du demain français ! Ringard par l’excès du propos oui, mais le livre demeure une arme indispensable pour se construire. Pour lire, il faut savoir, pour écrire il faut savoir lire. Quelle responsabilité doivent assumer nos instituteurs devenus, de gentils agents du développement personnel de l’enfant sans le fatiguer, encore moins le noter, générant en lui ainsi des incertitudes, l’impossibilité de savoir ce qu’est : faire mieux…. Il est vrai ainsi que le travail d’enseignement s’éloigne de la pénibilité ! Nous sommes tous coupables d’avoir laissé se répandre ces fausses « bonnes idées ».
Le livre fut pourtant le vecteur de transmission de grandes options, des vrais débats. Écrire des arguments est plus contraignants que de les dire. On peut relire un écrit et s’apercevoir vite que la construction est hasardeuse. L’écrit est sans pitié. Cependant, certains croient encore que l’image peut mentir à celui qui la regarde. Quelle erreur ! Elle fait appel à l’instinctif des individus qui sont durs dans leur jugement avec le mensonge de l’image fabriquée en comparaison avec  la page mal écrite.
Dans ce débat des présidentielles, la culture est devenue le synonyme de luxe superfétatoire, de dépenses somptuaires, d’inutilités incompatibles avec la rigueur nécessaire.
Les économies sont-elles à faire là ?
N’y a-t-il pas des hontes financières, des inégalités cachées, des machines dispendieuses bien huilées qui bénéficient toujours aux mêmes ?
L’action culturelle dans sa définition ne doit pas elle aussi laisser tomber le nombrilisme des frigides « bobos » de gauche et de droite. Les  « faiseurs » d’intelligence, les « définisseurs » du bien penser, de l’être qui doit absorber des préceptes inventés par « ces grands », autoproclamés chaque matin par le miracle répété de leur miroir !
 On en connaît chez nous. Il y a rupture dans notre pays entre les rassurés « de leur intelligence » et les angoissés du « ne pas savoir »,  « ne pas savoir dire » et donc  se résigner en se contentant d’un médiocre institutionnalisé.
Le livre a cette vertu qu’il permet, parce que la relecture est possible, de mieux vivre. Le soutenir est une priorité, autant que la presse, autant que l’audiovisuel. Il ne doit pas être l’oublié des politiciens de profession.
Oui, le livre peut être conservé, protégé, diffusé, mais encore faut-il qu’il existe. C’est la production littéraire qu’il faut prioriser, la diffusion n’est qu’un outil.
Le livre, la culture ont une place constitutionnelle. Ils ne sont ni à gauche, ni à droite. Ils sont le ciment de l’essence même de ce que nous sommes. On peut avoir, un porte-monnaie bien plein, on peut voler, jamais dans le domaine culturel.
Mais, mais,  dans ce débat la réponse va être soit escamotée soit vite donnée : « à droite : la culture est de gauche, on ne peut rien faire ; à gauche : la droite n’aime que les châteaux, le vrai doit être confidentiel pour exister !!! »
Avec toutes ces idées, la démocratie doit passer. Est-elle éclairée ? Je crains que l’électricité fasse défaut !  La France va devoir attendre ?

LE LIVRE EST-IL RINGARD ?


On a vite tendance à transposer le débat de la modernité quand on imagine l’avenir du livre. Choisir entre la télévision et la lecture, se rassurer en revenant en arrière, pose en général le discours.

Le livre n’est qu’un contenant, de plus en plus bâclé, dans sa constitution même. L’impression est imprécise, certains papiers n’ont pas d’odeur et la couverture est semi-mat, uniforme.
Dans un livre, tout peut se dire mais pas dans n’importe quel réceptacle.
L’Editeur est une des composantes du couple. Reviendrons-nous sur cet essentiel binôme pour que l’encre devienne numérique ?
Il doit y avoir une place pour « l’amant », dans cette famille pourtant idéale !

L’outil « livre » est beau. L’histoire qu’il raconte, constitue la sensualité indispensable au souvenir.
Notre mémoire sera subjuguée si les sens sont en éveil, en parallèle du rêve, du transport voulu ou perçu par le lecteur.
Le relationnel va forger cette envie sans cesse à recommencer, avec chaque livre.
On peut s’interroger si la technologie, les matériaux généreront ce plaisir savant, dégusté après de longues années.
Demain sera-t-il propice au royaume du petit, de l’invisible soumission à l’impulsion électrique, face au passé conservé dans des lieux mythiques et demandant révérence.

Dans tous les cas, souhaitons que l’Art retienne cet objet fabuleux qu’est le livre déjà « ancienne formule ».
Ne condamnons pas cependant, soyons vigilants à d’autres sources d’imaginations.
Ne soyons pas coupables de ringardise!

Jean-Yves COUTEAU